La plume du temps

Le moment crucial était arrivé. Il allait me laisser. Lui, celui qui m'avait sauvé la vie et m'avait promis de ne jamais m'abandonner. Il allait le faire. Selon lui, ce n'était qu'un au revoir. Mais dans le fond, seule sa parole me certifiait qu'il allait revenir et ne pas m'oublier. Je n'y croyais pas trop : il était un garçon formidable, doté d'un charisme non négligeable.
Nous nous trouvions donc à l'aéroport, main dans la main. La mienne se crispait de plus en plus, redoutant la voix se voulant sensuelle et qui annoncerait l'arrivée de l'oiseau de fer qui l'emporterait loin de moi.
Malgré ces deux mains liées et les apparences, je n'étais pas sa petite amie. Non, Quanaë avait été ma première véritable amitié. Une amitié excessive : j'avais besoin de lui tout autant qu'il avait besoin de moi ; j'avais besoin de quelqu'un pour veiller sur moi tout autant qu'il avait besoin de prendre soin de quelqu'un. Nous étions allés jusqu'à emménager ensemble, afin de former la "Fratrie Idéale" comme ses nombreux potes nous appelaient. Mais un jour, il m'avait avoué que j'étais sa seule amie, qu'il n'y avait qu'à moi qu'il pouvait confier ses secrets. Et Dieu sait qu'il m'en avait dit des choses : allant de ses simples états d'âmes aux pires abominations qu'il avait commis.

"Le vol pour New York partira dans environ une demi-heure. Les passagers de ce vols sont priés de se rendre à la porte 18."
"Je ne veux pas que tu partes" soufflais-je.
"Je te jure que je reviendrai dès que possible Amy !" me répondit-il d'une voix qui se voulait rassurante. Il m'embrassa une dernière fois sur la joue, goutant ainsi la goutte d'eau salée qui venait de s'échapper de mon œil. Ses doigts glissèrent hors de ma main. Il m'hurla un dernier "Je t'aime" et s'enfuit.

Je restais là, comme une conne, espérant que regrettant son geste, il allait revenir et me préférer à ses obligations.