L'internat

Jeudi 8 Avril 2010, 20 H.        
Internat Jean Genet,        
quelque-part dans le Nord de la France        
(zone B)  

"Cela fait maintenant six jours que nous sommes en vacances... Six jours pendant lesquels je suis resté ici, à l'internat."        

Je soupirais, baissais les yeux. Mère me regardait, l'air sévère. Une fois de plus, je me doutais qu'elle allait répondre par la négative... Pourtant, tout est si ennuyeux ici...        

"-Oui, je le sais mon enfant. Et qu'espérez-vous obtenir ?        
-Mère, avec votre accord, j'aimerais me promener...        
-Vous promenez ? Mais, Adrien, vous avez  le bâtiment entier à votre disposition ! Vous pouvez bien vous y promener à votre guise !        
-Bien, mère..."      

Il ne servait à rien de contester... Je sortais alors du bureau de ma mère, dont la porte exhibait un panonceau doré "Mme. Mialot, Directrice". Je m'attardais sur celui-ci, avant de pester. J'aurais aimé frapper quelque-chose, mais elle m'aurait entendu. Une fois de plus, ma directrice de mère me pourrissait la vie ! Pourquoi persistait-elle à me garder dans cette cage dorée ? Je connaissais ses espoirs de me voir un jour prendre sa place, mais me retenir ici ne m'en donnait aucune envie. Et je ne voyais pas bien à quoi ça pouvait l'avancer. Peut-être espérait-elle que je me plonge à cœur perdu dans les études afin de passer le temps.
Si c'était le cas, elle se mettait le doigt dans l’œil.

Je me dirigeais vers l'immense cour, m'assit sur un des bancs, près du panier de basket. Je regardais mes converses, négligemment dissimulée sous le bas de mon jean.        

Heureusement, j'avais réussi à obtenir que le port de l'uniforme ne soit plus obligatoire durant les congés.        

Quelques filles qui n'avait pu rentrer chez elles durant ces vacances papotaient non loin de là... L'une d'entre elles ne cessait de me lancer des regards furtifs...        

Je me demandais ce qu'elle pouvait bien penser... En tant normal, mes camarades ne cessaient de me cacher des choses immondes, ou des surnoms peu enviables. Mais elle me regardait étrangement. Différemment. J'aurai presque pu croire que je l'intéressais. Presque, car tout le monde préférait m'ignorer ici, jusqu'aux employés. Se mettre à dos le fils de la grande patronne, c'était se mettre à dos la grande patronne. Et peut-être que ce gamin était aussi associable que sa mère. Alors, mieux valait ne pas tenter de rentrer en contact avec lui.

Mon regard toujours vissé sur mes chaussures, je sentais qu'elle m'observait encore. J'avais alors l'audace de m'attarder un peu sur elle. J'étais persuadée de l'avoir déjà vue. Ses cheveux bouclés retombaient jusqu'à ses épaules. Elle portait une robe blanche, qui contrastait avec sa peau chocolat. Elle devait avoir à peu près le même âge que moi, treize ou quatorze ans.        

Je regardais à nouveau le sol, ne lui prêtant aucune attention. Après tout, je ne devais être qu'une bête curieuse pour elle. Quoi de plus ?
A ma grande surprise, lorsque je me redressais, la jeune fille se trouvait face à moi. Je lui sourît et engagea la conversation, plutôt surpris : "Bonjour."
Si je ne faisais pas bonne impression maintenant, je n'en aurai jamais l'opportunité. C'est la raison pour laquelle j'avais mis mes pensées négatives de côté. Il ne restait plus qu'à espérer que ses intentions soient bonnes, ou au moins, qu'elle me laisse une chance.